Les arbres sont-ils en fleurs chez vous?

Menahem Mayer & Frederick Raymes

Genre: Témoignage

2012

about the book

Deux jeunes frères nés à Hoffenheim en Allemagne sont déportés avec leur famille en France et internés dans un camp de détention. Leurs parents sont transférés à Rivesaltes, puis envoyés à Drancy deux ans plus tard, et de là déportés vers leur destination finale – Auschwitz.

Entre temps, les deux frères sont sortis du camp et passent par plusieurs orphelinats en France et en Suisse avant d’être séparés.

Après la guerre, Fred, l’aîné des frères, se rend aux Etats-Unis. Le cadet, Menahem, s’installe en Israël.

Après de nombreuses années sans lien entre eux, les deux frères reprennent contact et écrivent de concert leur histoire fascinante .

from the book

Pendant près de trente-cinq ans, j’ai refoulé le passé. Je l’ai fui et je l’ai oublié. Il y a quelques années, mes enfants et petits-enfants ont commencé à me poser des questions sur le passé et sur ma famille. « Tu ne nous as jamais rien raconté », disaient-ils. À la vérité, je n’étais pas du tout conscient de mon silence. En observant mes petits-enfants de sept et huit ans, je me suis dit : « Étais-je vraiment si petit quand j’ai vu mes parents pour la dernière fois ? » De telles pensées ne m’avaient jamais traversé l’esprit quand mes enfants avaient leur âge. C’est vrai, j’avais tout effacé.

À partir de ce jour, l’idée d’écrire mes mémoires prit racine. Elle ne mûrit cependant que l’année dernière. Plus de trente ans s’étaient donc écoulés avant que je puisse envisager de scruter mon passé. Il est dangereux de regarder en arrière. Cela me fait penser à l’image de la femme de Lot, fuyant Sodome, la ville à laquelle elle était inextricablement attachée : « La femme de Lot, ayant regardé en arrière, devint une statue de sel (Genèse XIX : 26).

Le passé était pour moi comme un immense puzzle dans lequel de nombreuses pièces manquaient. Petit à petit, j’ai rassemblé ces pièces manquantes dans des bibliothèques, des archives, des livres et des lettres. J’ai également parlé avec des gens qui avaient partagé le même destin ou qui avaient été impliqués dans ces événements, que ce soit volontairement ou malgré eux. Parmi ceux à qui je parlais, certains auraient dû se souvenir mais avaient préféré oublier. Ils sont la preuve vivante de la sélectivité de la mémoire ! J’ai également tenté de rassembler et d’organiser les fragments de mes propres souvenirs, ces flashes qui scintillent dans mon « trou noir » personnel.

Le temps qui passe est comme l’eau qui coule. Les souvenirs s’effacent dans la course du temps, comme l’eau glisse sur les pierres dans le lit de la rivière. La mémoire est un parent de la vérité, mais non son jumeau. D’où l’importance de la documentation et de la préservation des témoignages. Quand mon frère Fred et moi-même, nous nous sommes revus en septembre 1998, nous avons parlé d’écrire conjointement nos mémoires, de consigner notre histoire personnelle pendant la Shoah, pendant les années qui l’ont précédée et pendant celles qui l’ont suivie. Le public-cible auquel nous pensions était nos enfants et nos petits-enfants. Nous avons décidé d’évoquer brièvement la toile de fond historique et politique de cette période, pour tenter d’expliquer l’inexplicable, le tourbillon des événements dans lequel nous avons été entraînés malgré nous et aussi pour mettre à la portée du lecteur le lien entre nos récits personnels et les événements historiques qui y sont évoqués.

Read more