from the book
On l’a enterré près de ma mère dans le carré qu’il avait acheté pour reposer le jour venu à ses côtés. Je ne sais s’il l’aimait ou non ; si elle l’aimait ou non. Ils ne se parlaient presque pas ; ils s’entendaient très bien. Ils partageaient le même lit. Dans ce genre de maison, à l’époque, on ne posait pas de questions. Pour ne pas réveiller des démons et provoquer des cauchemars. Je savais qu’elle tenait un journal ; je me disais qu’un jour ou l’autre je finirai par le lire. Je m’imaginais qu’elle relatait son histoire pendant la Shoa. Après sa mort, je l’ai demandé à mon père. Il s’est longuement dérobé. Puis, il m’a dit qu’il l’avait confié à Yad VaShem. J’ai appelé le service des manuscrits. On n’avait pas entendu parler d’un journal au nom de mère. J’en ai reparlé à mon père. Il m’a demandé de lui laisser le temps de le chercher. En général, il savait où se trouvait toute chose. C’était la première fois qu’il me mentait, peut-être la seule. Quand nous nous sommes revus, il m’a remis le maroquin vert orange. Sans rien l’intérieur. Il l’avait brûlé. Je n’ai pas compris, je me suis gardé d’insister. Je ne souhaitais pas l’accabler. Pourtant, il ne se serait jamais permis de brûler une seule page d’un manuscrit quelconque. Il avait le culte des livres et de leurs auteurs…